Présentéisme au travail : le coût caché de la performance à tout prix

On parle souvent d’absentéisme, rarement de son opposé. Pourtant, dans bien des organisations, le présentéisme — cette présence physique au travail malgré un malaise, une fatigue ou une détresse — coûte encore plus cher que les absences.
Sous des apparences de loyauté ou de dévouement, il cache souvent un déséquilibre profond : une culture où la performance prime sur la santé, où l’on s’autorise difficilement à lever la main pour dire « ça ne va pas ».

Selon une étude récente publiée dans le Journal of Occupational and Environmental Medicine, le coût du présentéisme lié à la détresse psychologique est jusqu’à trois fois supérieur à celui de l’absentéisme.
Un constat qui remet en question la façon dont nous mesurons — et soutenons — la performance au travail.

Quand la présence au travail devient un signal d’alerte

Le présentéisme, c’est ce moment où une personne continue de venir travailler alors qu’elle n’en a plus réellement la capacité.
Elle est là, mais elle n’y est plus. Elle exécute les tâches, mais avec un niveau d’énergie, d’attention ou d’efficacité qui s’effrite.
Et bien souvent, son environnement de travail n’y voit que du feu — jusqu’à ce que la situation dégénère.

Ce phénomène, analysé par la professeure Mahée Gilbert-Ouimet de l’Université du Québec à Rimouski, est particulièrement marqué chez les travailleurs âgés de 50 ans et plus, hommes et femmes confondus.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le présentéisme coûte en moyenne 6 944 $ par femme et 8 432 $ par homme chaque année, contre environ 2 500 $ pour l’absentéisme.

Autrement dit, être présent mais inefficace coûte souvent bien plus cher que s’absenter.

Les racines d’un phénomène silencieux

Le présentéisme ne découle pas d’un manque de volonté. Au contraire, il est souvent le symptôme d’un trop-plein : trop d’engagement, trop de pression, trop de peur de décevoir.

Parmi les causes les plus fréquentes :

  • une culture de performance à tout prix, où s’arrêter est perçu comme une faiblesse ;

  • un soutien insuffisant de la part du gestionnaire ou des collègues ;

  • la peur d’être jugé ou remplacé ;

  • le sentiment d’être irremplaçable — particulièrement chez les cadres ou les gestionnaires ;

  • une charge de travail chronique, sans espace réel pour récupérer.

Dans certains milieux, cette dynamique est exacerbée par le télétravail, qui brouille les frontières entre le professionnel et le personnel.

Comme le souligne la chercheuse, le numérique a beau faciliter la conciliation, il favorise aussi une « techno-obésité » : une connexion constante, sans véritable repos.

Agir pour prévenir le présentéisme en milieu de travail

Des différences selon le genre… et l’âge

Dans l’article publié par l’Agence Science-PresseTravail : les coûts du présentéisme », juin 2025), je soulignais avec ma collègue Catherine Giroux-Trudeau que le présentéisme ne touche pas tout le monde de la même façon.

Les femmes de plus de 50 ans rapportent davantage de détresse psychologique et d’absences — souvent liées à la charge familiale ou aux responsabilités de proches aidantes.

Mais chez les hommes, la détresse psychologique a un impact plus marqué sur la productivité, précisément parce qu’ils continuent de travailler malgré tout.

Nous observons régulièrement, en accompagnement individuel, que plusieurs gestionnaires masculins entretiennent la croyance qu’ils doivent “tenir bon”, qu’ils n’ont pas le droit de flancher. Ce réflexe d’endurance, valorisé socialement, les amène souvent à ignorer les signaux précoces d’épuisement, jusqu’à ce que le corps impose un arrêt.

Le prix réel du silence

Le présentéisme coûte cher — et pas seulement en dollars.
Les impacts se répercutent sur :

  • la qualité du travail : erreurs, oublis, lenteur décisionnelle ;

  • le climat d’équipe : tensions, impatience, repli sur soi ;

  • la santé organisationnelle : épuisement collectif, cynisme, désengagement.

Dans de nombreuses organisations que nous accompagnons, le présentéisme agit comme un indicateur précurseur de dérèglements plus profonds : surcharge, manque d’autonomie, climat de peur ou de compétition, absence de reconnaissance.
Lorsqu’il n’est pas repéré, il ouvre souvent la voie à un second phénomène : l’absentéisme de longue durée.

En somme, le présentéisme est souvent la phase silencieuse qui précède la rupture.

Comment savoir si votre équipe est à risque ?

3 questions pour amorcer la réflexion :

  1. Certains employés sont toujours présents, mais semblent fatigués, distraits ou désengagés ?

  2. Les erreurs ou oublis augmentent sans raison apparente ?

  3. Vos équipes évitent de parler de charge, de limites ou d’équilibre ?

Si vous avez répondu oui à une ou plusieurs de ces questions, le présentéisme est peut-être déjà présent dans votre organisation.

Comment agir avant que la performance au travail ne s’effrite ?

La première étape consiste à changer de regard.

Plutôt que de se réjouir d’un faible taux d’absentéisme, il faut se demander : à quel prix ? Une organisation où personne ne s’absente n’est pas forcément en santé.

Voici quelques leviers concrets pour agir :

1. Diagnostiquer la santé organisationnelle

Réalisez régulièrement un diagnostic RPS ou climat de travail. Ces démarches permettent d’identifier les sources de stress, de surcharge ou de démotivation avant qu’elles ne se traduisent par de l’épuisement.

2. Former les gestionnaires

Les gestionnaires jouent un rôle clé dans la détection du présentéisme. Les outiller à reconnaître les signaux faibles — irritabilité, retrait, baisse de qualité — et à aborder ces sujets avec bienveillance est une étape essentielle.

3. Normaliser la discussion sur la santé psychologique

Encourager les conversations ouvertes sur le bien-être, l’équilibre et la charge de travail aide à briser le tabou.
Cela permet de créer une culture où demander de l’aide devient un signe de maturité professionnelle, non de faiblesse.

4. Soutenir les gestionnaires eux-mêmes

Les gestionnaires sont souvent les plus exposés au présentéisme : ils portent la pression de leurs équipes sans toujours avoir l’espace pour souffler. Leur offrir du soutien en coaching ou en formation sur le leadership bienveillant contribue à prévenir les débordements en cascade.

Pour une performance au travail vraiment durable

Comme je l’expliquais dans l’Agence Science-Presse, le présentéisme est encore un phénomène méconnu, mais sa portée est considérable. Il témoigne d’une tension persistante entre la performance attendue et la capacité réelle des personnes à y répondre.

Un leadership conscient et des pratiques de gestion humaines ne se contentent pas de réduire les coûts :
ils restaurent la confiance, redonnent du sens et bâtissent des milieux de travail où la présence devient naturelle — parce que les gens s’y sentent bien.


Passez à l’action dès maintenant

Vous souhaitez évaluer le présentéisme ou prévenir les risques de détresse dans votre organisation ?
Nous accompagnons les équipes et gestionnaires qui veulent bâtir une performance durable, fondée sur la santé psychologique et la prévention.

Planifiez un appel exploratoire gratuit pour discuter de votre réalité et découvrir des pistes d’action adaptées.

Parlons-nous

Sources :

  • Travail : les coûts du présentéisme, Isabelle Burgun, Agence Science-Presse, juin 2025.

  • Gilbert-Ouimet M. et coll. (2024), Costs of Presenteeism and Absenteeism Associated With Psychological Distress Among Male and Female Older Workers, Journal of Occupational and Environmental Medicine.

Jessy Riel

Jessy Riel est fondatrice d’Ax Conseil, une entreprise qui accompagne les gestionnaires à surmonter les défis de nature humaine, relationnelle et organisationnelle en conjuguant saine performance, santé mentale et bienveillance.

Détentrice d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en conseil en management et d’un baccalauréat multi en psychologie, santé mentale et criminologie, elle cumule plus de 12 ans d’expérience en intervention auprès d’une vaste clientèle. Ses deux champs d’expertise font d’elle l’alliée #1 des leaders qui désirent déployer le potentiel humain tout en cultivant quotidiennement la santé psychologique et le bien-être au travail.

À titre de coach, formatrice et facilitatrice certifiée, elle est reconnue pour la qualité et la précision de ses interventions qui font émerger à tout coup des prises de conscience puissantes qui ouvrent la voie vers un changement sain, bénéfique et durable.

Ses sujets de prédilection sont les saines pratiques de gestion, l’efficacité personnelle, professionnelle et relationnelle, l’intelligence émotionnelle, la communication et la santé mentale.

https://www.axconseil.com
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