La place des émotions au travail

J’adore coacher des gestionnaires qui se préparent à obtenir une promotion, car ils savent à quel point le développement de leurs habiletés interpersonnelles est crucial pour leur réussite professionnelle. La plupart du temps, ils savent que celle-ci va de pair avec des équipes en bonne santé.  Ensemble, nous travaillons à accroître leurs compétences liées à l’intelligence émotionnelle, comme la conscience de soi, le contrôle de leur impulsion et de leur niveau d’empathie pour qu’ils adoptent de saines pratiques de gestion qui suscitent l’engagement, la mobilisation et la collaboration.

Que fait la personne émotionnellement intelligente ?

Cette personne a une excellente connaissance de soi à tous les niveaux. Elle sait précisément ce qui l’a fait réagir et pourquoi. Elle anticipe ses réactions émotionnelles et les maîtrise. Elle parvient à réfléchir et à agir en pleine conscience de son ressenti et de ses besoins en tenant compte du contexte. Ce n’est pas tout. 

Elle arrive à reproduire ce même processus simultanément pour une autre personne lorsqu’elle est en interaction. C’est-à-dire qu’elle observe, reçoit et comprend la réaction émotive de l’autre, ce qui lui permet d’offrir une réponse adaptée au besoin qui se manifeste. C’est ainsi qu’elle entretient d’excellentes relations.

Comment ouvrir la porte aux émotions?

Vos émotions sont vos alliées. Voyez-les comme des amis proches qui veulent votre bonheur. Lorsqu’ils vous rendent visite, ils ont de précieuses informations à vous communiquer. Ils veulent s’assurer que rien ne vous échappe pour que vous preniez des décisions qui tiennent compte de vos besoins, de vos motivations et de vos valeurs*.

Parfois « vos amis » peuvent cogner à votre porte à un mauvais moment ; ils peuvent même vous irriter. Or, ce n’est jamais une raison suffisante pour leur « manquer de respect en les ignorant ». 

Malheureusement, c’est exactement ce que vous faites lorsque vous refusez d’entendre le message qu’ils vous envoient…

Le danger d’enfouir ses émotions

Si l’accueil des émotions favorise le bien-être, l’inverse est également vrai : la suppression de ses sentiments nuit à la santé. 

Je sais qu’il nous arrive tous, par moment, de répondre « ça va bien » alors que ce n’est pas le cas. Mais si « mettre un masque » est pour vous une habitude récurrente, sachez qu’il y a des conséquences :

  1. Vous vous privez de soutien

  2. Vous vous épuisez

Il est très énergivore pour votre corps de puiser dans vos ressources internes pour bloquer un sentiment et créer artificiellement une autre émotion. À force de répéter l’exercice, vous augmentez votre niveau de stress et diminuez « votre capacité à surmonter les tensions normales de la vie », l’élément clé d’une bonne santé mentale. 

Voilà pourquoi cette stratégie est risquée. 

D’ailleurs, saviez-vous que c’est avant tout l’épuisement émotionnel qui se cache derrière le burnout ? Selon la définition du psychologue organisationnel et chercheur Wilmar Schaufeli, le syndrome d’épuisement professionnel « est le résultat d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel ». 

Stratégies personnelles

Je vous invite à accepter votre vulnérabilité et à exprimer ce qui se passe en vous. Vous verrez à quel point c’est bénéfique pour votre santé et celle de vos relations. 

Pour bien communiquer vos besoins et vos limites, je vous invite à vous renseigner sur le concept de la communication non violente du psychologue Marshall B. Rosenberg. Il propose des techniques particulièrement efficaces.

Stratégies relationnelles

Votre attitude en relation peut avoir une influence positive ou négative sur les autres. Nous préférons tous nous exprimer auprès de personnes emphatiques qui nous font nous sentir bien et compris. Cependant, quand nous sommes face à des gens qui affichent un inconfort avec l’aspect émotionnel, nous avons tendance à inhiber notre ressenti par crainte d’être mal reçu ou mal  perçu…

Le premier pas est de prendre conscience de votre niveau d’aisance et des croyances que vous entretenez par rapport aux émotions des autres (quel type de situation vous rend inconfortable? Quelle réaction vous déclenche ? Pourquoi?). Vous pourriez ensuite travailler votre habileté à refléter les émotions avec des phrases clés telles que : « Je vois que tu … (insérer l’émotion), qu’est-ce qui t’aiderait à surmonter … (insérer l’enjeu), aimerais-tu qu’on s’en reparle … (insérer le moment de votre choix) ?» Ces questions sont aidantes, car elles aident la personne à prendre du recul et à envisager des actions pour se réguler. 

Quand le travail supprime les émotions

Certains domaines d’activités incitent les employés à supprimer leurs émotions « négatives » en exigeant qu’ils affichent continuellement des émotions « positives » qui ne sont pas réellement ressenties.  Ainsi, ils ne laissent peu ou pas de place à l’expression de celles-ci. Pensez entre autres à tout ce qui implique le service à la clientèle et les milieux qui exigent un rendement très élevé. Ces milieux de travail, s’ils n’offrent pas un soutien adapté et constant, sont dangereux pour la santé des employés, mais aussi pour celle de leur entreprise. L’équation est simple : plus un employé réprime ses émotions, plus il est à risque de ressentir de l’insatisfaction au travail. Plus ce sentiment s’installe, plus le risque de burnout augmente…

Il importe de s’arrêter pour déterminer si votre culture d’entreprise et vos pratiques de gestion sont en mesure de bien supporter vos employés au plan émotionnel. Demandez-vous : « Est-ce les comportements attendus en lien avec les valeurs de mon organisation laissent place à l’humain?  Sont-elles exclusivement orientées sur la performance? Est-ce que vos gestionnaires disposent de la disponibilité, de l’ouverture et de l’écoute nécessaires? » En fonction de vos réponses, vous aurez un indice de ce qui mérite votre attention.

Je suis convaincue que l’habileté à être en relation avec soi-même et avec les autres, ça s’apprend. En effet, il est possible d’influencer positivement la santé émotionnelle, relationnelle et organisationnelle par de simples actions. Désormais, quelles compétences liées à l’intelligence émotionnelle allez-vous veiller à développer en premier pour prendre soin de vos collègues et de vous-même?

* Les émotions agissent à titre de boussole interne. À un moment donné, elles peuvent « perdre le nord » ou vous indiquer toujours la même direction, peu importe le contexte. Si vous observez qu’une émotion ou une pensée est toujours présente et qu’elle nuit à votre bien-être, je vous invite à consulter. Votre mécanisme interne a peut-être tout simplement besoin « d’entretien ».

Article écrit pour Henkel média mars 2022

Jessy Riel

Jessy Riel est fondatrice d’Ax Conseil, une entreprise qui accompagne les gestionnaires à surmonter les défis de nature humaine, relationnelle et organisationnelle en conjuguant saine performance, santé mentale et bienveillance.

Détentrice d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en conseil en management et d’un baccalauréat multi en psychologie, santé mentale et criminologie, elle cumule plus de 12 ans d’expérience en intervention auprès d’une vaste clientèle. Ses deux champs d’expertise font d’elle l’alliée #1 des leaders qui désirent déployer le potentiel humain tout en cultivant quotidiennement la santé psychologique et le bien-être au travail.

À titre de coach, formatrice et facilitatrice certifiée, elle est reconnue pour la qualité et la précision de ses interventions qui font émerger à tout coup des prises de conscience puissantes qui ouvrent la voie vers un changement sain, bénéfique et durable.

Ses sujets de prédilection sont les saines pratiques de gestion, l’efficacité personnelle, professionnelle et relationnelle, l’intelligence émotionnelle, la communication et la santé mentale.

https://www.axconseil.com
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